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14 janvier 2007

Le chômage

Le chômage: véritable plaie de notre société. Combien de personnes sont empêchées de travailler ? Beaucoup trop !  D'aucuns prétendent qu'il s'agit de fainéants, de personnes qui ont un poil dans la main, qu'il suffit de chercher sérieusement etc. La réalité est hélas bien plus tragique. L'angoisse, le sentiment de nullité, la honte et autres sentiments destructeurs viennent tarauder les esprits de ceux qui se retrouvent en marge de la société. Nombreux sont compétents et pourraient apporter leurs dons et qualités à la marche du monde professionnel.

Par mon emploi (oh paradoxe), je rencontre de nombreuses personnes qui vivent cette situation. Beaucoup luttent, cherchent, se remettent en question, se forment, mais pas toutes, hélas, trouvent un emploi. Je rêve à un monde où chacun puisse exprimer leurs dons dans une activité qui leur permettent de vivre normalement. Comme un être humain !

Hélas parfois, le travail devient aussi un lieu de brisement, d'esclavage. Ce n'est bien sûr pas de cela dont je rêve. L'activité bonne apporte de la dignité à l'homme, à la femme. Elle leur autorise à relever la tête et à prendre sa place dans le trafic comme dirait Francis Cabrel.

Dans un moment de réflexion sur ce fléau qu'est le chômage, j'ai écrit ce texte que je vous livre pour vous faire partager un peu de la solitude de celle, de celui qui en souffre. Que chacun, là où il se trouve, puisse prendre conscience de ces drames qui peuvent se jouer et s'engager pour plus de justice et de solidarité.

Les jours se suivent…

Elle attend. Quoi ? Le sait-elle vraiment ? Trop d’attente ont voilé son horizon.

Le passé a englouti les chaudes journées d’été. Le futur lui pèse sur l’estomac. Ses ulcères la brûlent à nouveau. Le présent l’oppresse. Elle regarde le chemin qui conduit à sa maison : c’est le néant. Pas un chat ne s’y aventure. Ah si, voilà celui du voisin qui passe, une souris dans sa gueule.

Elle fixe cette tranche de goudron depuis sa fenêtre, derrière ses rideaux. La pluie fine tombe, régulière. Les hirondelles se cachent, silencieuses. Quelques voitures passent et éclaboussent l’eau dans le caniveau.

Elle attend. Quand ? Dans dix minutes, quinze au plus et il sera là. Assurément.

Il est grand. Sa veste bordeaux et sa casquette noire lui siéent bien. Sa sacoche autour du cou, il avancera d’un pas rapide sans hésiter.

« Les jours se suivent et se ressemblent pense-t-elle. Mais si aujourd’hui… ? » Elle n’ose pas trop espérer et pourtant…elle souhaite de tout son cœur que ce matin rendra l’avenir différent.

Elle attend. Pourquoi ? Parce que la vie coule encore dans ses veines. Quarante-cinq étés avaient défilé. Parce qu’elle veut croire que la chance ne l’a pas totalement abandonnée. Parce qu’elle se persuade d’avoir le droit, elle-aussi, à une petite place dans ce monde encombré. Ses joues sont encore salées par les larmes qu’elle venait de verser. Ses yeux rouges la piquent. Sa beauté se laisse encore deviner derrière quelques petites rides.

« Je me battrai, je ferai face » se répète-t-elle pour entretenir sa détermination.

En fait son histoire devient banale. Que de personnes comme elle qui se morfondent. Depuis quinze mois elle lisait chaque jeudi le guide emploi, répondait, postait et projetait des lendemains plus gais. Son conseiller en réinsertion professionnelle l’avait plusieurs fois encouragée. Mais elle se considérait de plus en plus nulle, de plus en plus inutile.

Elle pense à nouveau à la chanson de Cabrel « Une place dans le trafic ». Elle aime bien ce chanteur et son joli accent qui pointe vers le sud.

La voiture jaune se parque devant la maison d’en face. Son cœur s’emballe.

« Enfin le voilà » souffle-t-elle.

Il dépose quelque chose dans sa boîte aux lettres. Dès qu’il eut tourné le dos, elle quitte sa fenêtre, ouvre la porte, descend les escaliers le souffle haletant. La clé entre fébrilement dans la serrure. Elle peut prendre le courrier.

Migros magasine, trois factures, de la publicité. Une carte d’amis qu’elle n’avait plus revus depuis des mois : « Salut depuis ce magnifique endroit où nous passons des vacances inoubliables. Dommage, lundi, c’est déjà le boulot. A bientôt. Jacqueline  et Alexandre»

Et puis une enveloppe A4 qui contient un dossier. Le logo lui saute au visage « Fondation L’espoir de vivre ».

Elle réalise. Elle n’a pas besoin qu’on lui fasse un dessin. Son dossier personnel lui est retourné avec une gentille lettre de regret…

La bonne nouvelle tant attendue n’est pas arrivée !

Elle remonte l’escalier, péniblement. Les larmes refont leur apparition comme par enchantement. Elle n’a plus de brûlure : d’ailleurs, avait-elle encore quelque chose à brûler ?

Elle rentre chez elle, ferme la porte et va s’asseoir à la salle à manger. Sur la table un verre d’eau est posé depuis ce matin. A côté, des comprimés blancs s’amoncèlent.

Il pleut, le ciel est gris. Le chat du voisin mange sa souris.

Elle n’attend plus rien.

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N
Ce texte est affolant tellement il reflète la réalité.Merci de nous comprendre ainsi et continuez votre travail car beaucoup de personnes ont besoin de vous.
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