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22 février 2007

Ma fille s'envole...

Demain matin à 4h15, départ direction Genève. J'accompagne ma fille aînée à l'aéroport. Elle part pour un stage en Afrique, à Kinshasa exactement. C'est la quatrième fois qu'elle part sur ce continent. Elle est aussi partie aux Indes l'année passée.

Ma fille est donc une grande voyageuse. Sa passion: les enfants des rues. Par ce stage, elle termine sa formation d'éducatrice (enfin presque car il reste le mémoire !)

Ainsi donc, un mois jour pour jour après le décès de sa maman, elle prend son courage à deux mains et elle y va. Bien sûr elle a hésité compte tenu des circonstances. Mais nous avons eu la conviction que c'était juste. La vie continue et c'est en affrontant les obstacles que nous pouvons avancer.

Je suis fier de mes filles. Le contraire serait bien entendu bizarre`! Je suis donc heureux de l'orientation de Rachel. Evidemment, ce n'est pas facile. J'ai souvent dit à ma fille: je suis heureux que tu partes, mais je suis triste d'être séparé de toi. J'ai voulu par cela lui dire clairement mon vécu sans la retenir. Oui, les enfants ne nous appartiennent pas, ils nous sont confiés. Iris et moi avons eu de la chance avec nos deux filles mais nous les avons éduqué pour qu'elles prennent leur envol, pour qu'elles entrent dans leur vocation. Ainsi, même en l'absence de leur maman, elles ont à continuer leur route. Avec ma bénédiction.

Il y a deux ans, en été, j'avais composé ce texte à la suite d'une sortie à vélo avec Rachel. Je vous le donne aujourd'hui car il symbolise bien ce que je vis en tant que père.

Fragilité de fille, fragilité de père

19 mai : je la tenais dans mes bras. Après 14 heures épuisantes pour mon épouse, elle était là, blottie dans mes bras. Petite « chose » qui ne demandait qu’à être aimée, nourrie, encouragée.

J’étais un père heureux. Avec mon épouse, nous étions attendris devant ce nouvel être humain qui laissait entendre ses premières respirations à l’air libre.

Fragilité d’une petite fille devant la vie, fragilité d’un chemin qui s’ouvre sur l’horizon de ce monde.

***

Petite fille, tu as grandi. J’ai eu la joie de pratiquer plusieurs activités avec toi. C’est ainsi que je me rappelle de notre première course en montagne rien que nous deux. Tu avais huit ans. Tu étais brave, heureuse de découvrir les fleurs, les marmottes, les rivières. Nous avons marché durant cinq heures, nous avons mangé dans une cabane de montagne. Nous avons parlé, partagé. L’école, les fleurs, la vie, la nature, ta sœur, ta maman, tes envies, tes rêves, mais aussi mon travail, mes engagements, mes passions: tout était occasion de se dire, de s’écouter, de laisser glisser des confidences…Que c’est beau d’être père. Nous avons vécu souvent de tels moments depuis. Et aussi des semblables avec ta sœur.

Et puis, il y a eu la bicyclette. A sept ans, nous sommes allés au lac. Tu ouvrais la route et moi je restais derrière, sac au dos, veillant sur toi. Maman avec ta sœur sur le porte-bagage suivait derrière. Lorsque nous sommes arrivés, ton sourire jusqu’aux oreilles, tes yeux qui se fermaient à moitié… La baignade fut belle pour vous les femmes que j’aime… Moi je suis resté sur la rive, la baignade c’est vraiment pas mon truc… Cela ne m’a pas empêché de prendre l’eau avec vos giclées…La rentrée fut heureuse. La joie nous a accompagnés.

Et puis il y a eu notre première bonne montée. Tu voulais faire comme papa qui « faisait des cols ». Nous sommes partis. Ta maman nous regardait depuis le pas de la porte en nous encourageant de sa douce voix. Complice de nos exploits, elle a été la première fan de notre connivence. Ce jour-là, tu n’as pas posé le pied à terre, tu as avancé vaillante jusqu’au bout. Je t’avais dit : « lorsque tu peines, regarde tes jambes tourner comme des turbines. Concentre-toi sur cet effort, admire cette capacité que tu as de faire avancer ta « machine ». »

Nous vivions la fragilité de ces moments fugaces qui additionnés les uns aux autres tissait une relation.

***

Je disais à qui voulait l’entendre que les enfants étaient « programmés » pour dépasser leurs parents. Tu m’as dépassé pour le patin à glace : qu’elles étaient belles tes pirouettes. Tu m’as dépassé à la natation : ce n’était pas trop difficile avec mon intérêt très mitigé pour ce sport. Tu m’as dépassé pour le ski alpin. Tu as fait des études plus poussées que moi.

C’est ainsi et c’est bien.

Hier, nous sommes partis pour soixante kilomètres à vélo avec deux cols. Ces dernières années, la dureté du monde a altéré l’idéal que je portais dans le cœur et que je désirais partager. Mais notre relation s’est fortifiée.

Au début du premier col, mes jambes n’ont plus répondu. Je n’avais plus de force et j’avais de l’asthme. J’ai dû mettre le troisième plateau, le plus petit pour continuer d’avancer. Je t’ai dit : vas-y à ton rythme. Après t’être préoccupée de mon état, tu es partie en avant, je n’ai pas réussi à te suivre. Je n’ai même pas cherché à le faire. J’ai regardé tourner mes jambes, j’ai croché pour ne pas poser le pied à terre. La « machine » s’est remise gentiment en marche et tu m’as attendu au sommet. Tu souriais, attendrie devant ton père…

Fragilité d’un père devant la jeunesse de sa fille, fragilité d’un homme qui voit un avenir prendre son envol.

***

Tu as maintenant 21 ans, tu fais face à la vie avec plusieurs projets dans ta gibecière. Tu es forte, tu es mature. Tu as toutes les cartes dans tes mains.

Ma fille va, avance. Tu apprendras que la force se puise souvent dans la fragilité d’un instant. Avance sur ton chemin vers l’horizon de tes idéaux.

Ibiscus

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Commentaires
B
Bonjour Roger, <br /> Merci pour la beauté et l'authenticité de ce texte. Merci de l'avoir partagé. Tu es un exemple d'amour envers ses enfants pour moi.<br /> Très amicalement
Mosaïque
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